Il faut peut être remonter à la source.
Enfant, nous avions de l’eau jusqu’au torse, de grosses branches touffues nous barraient la progression, nos petits canifs en venaient à bout. Nous avions peur des sangsues, des vipères, des dragons, des sirènes. Mais nous avancions sans relâche. Nos arcs, nos poignards, taillés, dans les saules nous protégeaient.
J’avais dix ans. A l’Ouest se trouvait la forêt tropicale avec ses rivières, ses tritons, ses asperges, son muguet, ses lianes, ses champs.
Au Nord, la sorcière près de la cascade……invisible dans sa cabane en bois entourée d’une épaisse végétation. Des petits lapins y trottaient, la légende prétendait que saupoudrer un peu de sel sur leur queue les libérerait de son emprise….
Au Nord Est la majestueuse maison Daum, discrète, mystérieuse, sous sa vigne vierge impénétrable. On en parlait en chuchotant. Ce n’était pas de notre monde. Ils habitaient la Haute Lay.
A l’Est, l’Amezule, le territoire de mon frère, lieu de pêche et d’investigation archéologique. Fossiles, balles, pistolets constituaient son butin.
Au Sud, les vastes plateaux de Malzéville, arides, nous les traversions sous une chape de plomb, le pique-nique dans le sac.
Nos jambes, sans doute trop courtes, nous obligeaient à plusieurs tentatives pour les traverser et atteindre le point ultime : l’antenne…
Au centre, mon père, maçon, la voix grave, la main leste, travailleur acharné. À ses cotés, ma mère, docile, intelligente, nous nourrissait au rythme des saisons, pissenlits, asperges, mûres, escargots. Modiste de métier, elle réalisait des travaux de coutures pour qui lui demandait.
L’atelier foisonnait d’outils et de nos trouvailles. Morceaux de bois aux formes étranges, silex, cailloux tranchants, baguettes de saules, plaques métalliques, fleurs étaient coupés, gravés, ficelés, cousus, enfilés, façonnés pour devenir armes, bijoux, vêtements.
Sautoirs de pâquerettes, de graines de melon, de glands; colliers de chien de lierres, de coquelicots, de marrons ; bagues de violettes ; diadème de silex ; boucles d’oreilles pince nez d'érable, de cerises ; bracelets d’orvets ou de chenilles naissaient tout au long des étés. Moments euphorisants, insouciants, créatifs, imaginatifs où tous nos sens étaient en alerte. Notre sensibilité était à fleur de peau.
Rien de surprenant, ma curiosité m’a amené à démonter des appareils photographiques, afin de récupérer des pièces et compléter mes boites aux trésors.
C’est en actionnant les lamelles d’un diaphragme que je ressenti un malaise tel un bouleversement.
Le phénomène était hypnotique, de nouvelles voies d’investigations s’ouvraient.
Le corps devient la pièce du dispositif. Il rythme l’ambiance visuelle et sonore de l’œuvre.
Genèse
Les faisceaux lumineux ont pénétré la chambre noire
Ouverture, lumière, capture, émulsion
Au rythme des battements, actions
Regards, on ne bouge plus. Clic clac.
Captifs, captivés, des millions
A bâton rompu sentinelles aguerries
Dans mon tiroir, diaphragmes jacassent. Clic clac
Opérer, disséquer, à quelques tours de tournevis
Iris, insolite et délicate dévoile ses pétales fines et opaques. Clic clac.
Badaud curieux s’approprie l’objet séduisant
Diaphragme malicieux cligne de l’œil
Hardi et audacieux, accroit la cadence, scande la mesure
Malheureux Auguste, ton point de vue oscille, ta prise de vue chavire
Ton malaise grandit
Valve mécanomorphe renchérie
L'organique antinomique émane et t'envoute.
Corinne Costa Erard
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