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Galerie 379

379, avenue de la Libération, Nancy

10 mars - 7 avril 2018

 

Nancy le 17 janvier 2018

D’une image, l’autre
 

On peut aborder cette installation sans explication et l’on bute d’emblée sur son titre. On peut ensuite croire que les critiques d’art ont une quelconque utilité et lire ce qui suit.
Cette installation est un moment de l’histoire d’une artiste de la métropole nancéienne restée discrète jusqu’à présent.

Sa particularité est de saisir l’opportunité que nous offrent des matériaux divers exclus jadis du champ de l’art ainsi que des dispositifs techniques nouveaux. Ici tout repose sur l’usage du tain produisant initialement un effet de miroir, sur l’invention récente des leds qui permettent soudain d’éclairer des gravures d’emblée invisibles gravées sur un support de plexiglas.
Le sujet de l’installation est le sujet qui la voit, plus fondamentalement la crise européenne actuelle. Dans un premier temps, les plaques de plexiglas jouent le rôle de miroirs. On croit se voir comme on croit voir les symboles du drapeau européen (douze étoiles correspondant à des éléments posés sur le sol, un petit seau contenant une bouteille et du sable et douze étoiles faites avec un moule à sable et destinées à périr sous les pas de certains visiteurs).
Si on s’approche de la plaque de plexiglas, une led s’allume et une transformation alchimique de l’image s’opère. La « réalité » de la première image, l’image narcissique de soi, se transforme en apparence qui s’évanouit au profit d’une seconde image, celles de corps, masculins ou féminins, qui se noient sur fond d’Europe en désarroi. Surgit un double discours à la fois politique et philosophique, linguistique également. L’image de soi s’ouvre, en effet, et produit un regard étonné sur la construction européenne au moment du Brexit, plus fondamentalement on est face à la critique de la notion de substance intemporelle opposée à ses attributs successifs, notion fondamentale dans la pensée d’Aristote.
Apport linguistique aussi puisque l’œuvre est structurée comme un rêve. En effet, l’élément le plus important de l’installation est la bouteille de Champagne cachée dans le seau de sable. Car cette bouteille n’est pas une bouteille de Champagne, mais une oeuvre d’art doublement cachée puisque l’œuvre contenue, dans l’épaisseur de l’étiquette, est immédiatement invisible. Un autre élément est la conque marine (« concha » en latin est le nom de la vulve) qui permet d’entendre la mer (où se noient les sujets), mais aussi de jouer des sons. Comme dans le rêve, l’artiste se parle à lui-même au moyen d’images et de là naît ce texte où un homme parle aux autres au moyen des mots.

Jean-François Clément

Anthropologue et critique d'art

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