2018-05-23 [SÃ] Aux actes citoyens Tomblaine
Mars 2018, exposition galerie 379 Nancy,
Mai 2018, exposition « Aux Actes Citoyens" Tomblaine
8 panneaux suspendus gravures sur plexiglas rétroéclairées, leds, cadre profilé bois : 150cm x 100cm , conque, sable, pelle, moule étoile, seau, bouteille de champagne, Fond sonore au sein de l'installation « Vibrant plaidoyer de Le Clézio pour les migrants » "Comment pouvons-nous les renvoyer à la mort ?"
Miroirs, corps flottants entre deux eaux, pelle, douze étoiles de sable, champagne, conque.
On peut se faire du mauvais [SÃ]. Réédifions les pâtés de sable...
"« Chaque coquillage incrusté dans la grotte
où nous nous aimâmes a sa particularité »
Paul Verlaine
Si le travail de Corinne Costa-Erard fait souvent appel aux nouvelles technologies, son principal médium reste l’humain. Ses créations fonctionnent comme des palimpsestes ; il faut percer le vernis pour pénétrer le cœur de l’œuvre. De même que la faiblesse physique de la femme fait oublier la force créatrice qu’elle dissimule, cette plasticienne emploie toute la puissance de sa sensibilité féminine pour créer des dispositifs plastiques impliquant le spectateur…"
Charles Villeneuve de Janti Conservateur en chef du Musée des Beaux-arts de Nancy 2018
Suite : https://costacorinne.wixsite.com/faire-du-mauvais-sa/charles-villeneuve-de-janti-conserv
"La « réalité » dès la première image, l’image narcissique de soi, se transforme en apparence qui s’évanouit au profit d’une seconde image, celles de corps, masculins ou féminins, qui se noient sur fond d’Europe en désarroi".
Jean-François Clément Anthropologue et critique d'art Nancy 2018
Suite : https://costacorinne.wixsite.com/faire-du-mauvais-sa/jean-francois-clement-anthropologue
Circulez dans cette “galerie des glaces” et les miroirs révèlent dans une douce lumière bleutée ce que vous pouvez supposer, des corps flottants entre deux eaux, images rémanentes de votre image vivante. Une pelle, un seau de sable, douze étoiles de sable fragilisent le symbole de l'Europe et la remettent en question.
Cette installation, en partie interactionniste, est ainsi construite sur une série de métamorphoses passant, par le biais de la conque annonciatrice de la vie ou de la mort, de l’image d’un être vivant à celle de plusieurs noyés. Également d’une Europe présentée comme utopie auto-réalisatrice à un ensemble politique qui doute de lui-même après le Brexit. Jouer sur la lumière peut produire une mise en abîme. On peut se faire du mauvais [SÃ], ce qui pourrait correspondre à l’écriture phonétique du mot « sang» chacun d’y trouver son sens.
Œuvre immersive, quand on entre dans la salle d’exposition, on ne voit rien sinon des miroirs. Ils absorbent renvoient la lumière et ouvrent l'espace. Chacun voit son image en passant d’un miroir à l’autre. Cette donnée est primordiale. Chacun est présent, il fait partie intégrante de l’œuvre avant, mais aussi après la métamorphose qui se produit. Cette première mise en abîme peut perturber. Et elle le fait d’autant mieux que la surface réfléchissante sans image réagit à la présence d'une personne très proche. Un halo lumineux apparaît. En effet, s’allument des leds et on voit soudain autre chose, des gravures sur plexiglas perçues comme étant rétro-éclairées et posées sur un cadre profilé en bois de taille 150 x 100 cm.
La propagation de la lumière dans la matière se concentre dans les sillons qui ont été antérieurement gravés.
Deux réalités s'imbriquent, la présence d’une gravure et celle d’une image réfléchie. Et l’on voit des corps qui semblent se noyer et disparaître.
Inutile de dire qu’il reste quelque chose de la première image perçue lors de l’auto-perception dans le miroir. Avant de voir les personnages qui peuvent être assimilés à des êtres qui se noient, le visiteur s’est vu à leur place et s’il y a des images rémanentes, il peut ou voir les cadavres en bonne santé ou se projeter lui-même comme un noyé potentiel. Voir un autre soi-même, un double d’emblée invisible du spectateur réel, mais en situation de détresse, cela peut déstabiliser l'idée du moi en détruisant son support spatio-temporel habituel. Il quitte son milieu aérobie pour se retrouver dans un milieu aquatique, il perd la vie pour se trouver cadavre inerte flottant dans les eaux. C’est l’identité qui vacille dans cette duplicité.
Ces œuvres sont un aller-retour entre réalités paradoxales, dichotomiques, évanescentes afin de contribuer à donner du sens au [Sã]. Ce phonème qui se prononce « san » ou « sen » pouvant avoir des sens très différents alors qu'un seul se justifie à la fin de la performance, le signifiant polysémique pouvant devenir le signifié « sang ».
On pourrait ajouter, pour terminer avec cette exposition, qu’il est prévu de réaliser une douzaine de bouteilles de champagne, du moins ce qui semble, au premier abord, être une telle bouteille. Mais si on lève la bouteille devant soi pour regarder l’étiquette à l’envers au travers du liquide, on voit des gravures analogues à celles qui existent sur les panneaux miroirs qui se sont transformés en gravures au début de la mise en route de l’installation. Une de ces bouteilles se trouvera dans le seau de sable au milieu de la pièce.
Plusieurs lectures sont possibles. On peut y voir le manque de netteté du projet européen puisqu’il est évident que les étoiles de sable placées sans protection sur le sol seront peu à peu détruites.
Mais ce qu’on peut associer à cette destruction est la scène de naufrage qui entraîne des hommes et des femmes sous l’eau.
On peut aussi comprendre l’installation comme l’apparition d’images traduisant la différence et l’altérité lorsque l’image narcissique de soi disparaît. Cela ne résulte pas d’un choix de l’individu, mais d’une lampe qui s’allume soudain sans qu’on sache quand ou pourquoi.
On voit donc dans cette installation une série de renversements : l’image perçue initialement comme sienne pendant le stade du miroir devient image d’un autre dont le corps est en train de couler, les étoiles parfaites du drapeau européen se transforment en pâtés de sable plus ou moins écrasés. La conque qui est espoir de vie se montre ici comme annonciatrice de la mort comme dans la mythologie antillaise. Le minéral inerte prend les propriétés du vivant capable de se reproduire. Ce qui n’est pas humain peut s’humaniser. On est donc en présence d’une pensée fondatrice de l’alchimie. Dans tous les cas, l’image initialement apparente laisse place à une autre image en apparence plus réelle née, d’une gravure initialement invisible. Tout ce que l’on croit visible peut ainsi s’effacer face à un autre visible né de l’invisible. » Jean François Clément
La conque a perdu son habitant qui se déplace avec sa maison sur le dos. Un habitant condamné à migrer pour vivre. Autour de cette coquille vide, la trace d’un drapeau européen qui se délite comme un château de sable. Sur les murs, les corps d’hommes et de femmes se débattant dans l’eau.